Les corps-paysages

Photographie argentique, 2027

Quand je suis arrivée à Marseille il y a trois ans, j'ai commencé à lâcher prise dans mon rapport à l'image. Je me suis mise à marcher, surtout au bord de mer, avec mon appareil photo et j'ai regardé les gens. J'ai juste regardé le gens. Je ne les regardais pas en tant que personnes, mais seulement comme des corps dans l'espace. Sur ce bord de mer marseillais, où les rochers sont légion et où la mer est profonde, le corps de l'homme n'est pas à l'aise. Alors, le corps se tord, se laisse flotter, se contraint. Mais pourtant, on y va et on y retourne, parce que l'eau, parce que les vagues, parce que le plaisir, malgré le corps qui galère sur les roches, qui galère dans l'eau.

Je ne fais pas de photographie de portrait ni de paysage. Je photographie toujours des inconnus, sans mise en scène. J'essaye juste de retranscrire une certaine sensation d'immensité du monde par rapport à notre condition humaine. Quelque chose d'un peu romantique, face à ces femmes et ces hommes qui se tiennent là, qui se baignent ou pas, qui luttent avec le paysage, le dominent parfois. J'essaye de créer une nouvelle mythologie moderne du corps. Ce corps qui devient parfois hybride et tordu, à la fois en symbiose et en danger dans ce milieu. Ce corps que j'essaye de montrer à la fois vulnérable et remarquable dans mes photographies. J'essaye de photographier des corps qui semblent en difficultés, mais qui rayonnent. Qui dégagent une puissance malgré leurs fragilités. J'ai l'impression d'avoir capturé quelque chose d'un peu sacré, d'un peu divin dans ces corps qui semblent tombés du ciel. Qui semble avoir échoués, mais qui, pourtant, ont réussi à nous ramener un petit bout d'un autre monde.

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