Le voile de Popée
Photographie argentique sur papier japonais 70gr, 2023
En 2020, Delphine Mogarra, artiste marseillaise, m’a invité à venir faire des photographies dans son lieu de résidence : l’ancien hôtel Mercure désaffecté avenue de Mazargues à Marseille. Dans ce qui était le hall d’entrée, se situe une vitrine recouverte d’un film translucide qui laisse deviner les silhouettes des passants. Avec mon appareil photo, je me suis alors positionnée devant la vitrine et, pendant plusieurs heures, j’ai photographié les gens. À travers la lumière, des silhouettes se sont mises à émerger de cette surface blanche, rejouant le principe même de la pellicule photo devant moi. Parfois pressées, à la limite de l’identifiable, ces ombres avaient quelque chose d’énigmatique, de fantomatique.
Dissimulés derrière cette fine pellicule qui les rendait anonymes, j’ai alors compris que je ne cherchais pas à photographier des gens, mais seulement une impression de présence. Je voulais saisir ce moment de perception limite où l’image nous apparaît sans pour autant se dévoiler entièrement. Il y a, dans la dissimulation et dans l’absence, une force étrange qui contraint l’esprit à se tourner vers l’inaccessible désir.
La photographie que je présente se situe alors dans un éternel inatteignable, dans un presque visible, qui laisse toute la place à notre esprit d’imaginer ce qui se passe derrière la vitrine. Le caché se présente alors comme l’autre côté d’une présence.